par Frédéric » 15 Mar 2014, 19:20
Pourquoi je joue à Dogs et pas à des jeux vidéo ?
Parce que dans Dogs, chacun de mes choix construit l'histoire.
Mieux, chaque nuance dans un de mes choix a des répercussions :
Si je demande à l'intendant de lâcher son arme, je peux le faire calmement, je peux essayer de le convaincre par les mots de façon mature et en faisant appel à la raison, en jouant sur les sentiments, en faisant appel à la foi, en l'insultant, je peux lui mettre ma pétoire sous le nez, etc. Si je dis quelque chose, chaque mot choisi compte. Si j'ajoute un sourire, ce sourire peut prendre une grande importance dans la suite de la situation. Si je lance un regard vers sa femme aussi.
Les possibilités sont virtuellement infinies. Et c'est ça que le jeu vidéo ne pourra jamais faire, car il est impossible de programmer une infinité de solutions possibles et de nuances dans les réactions des personnages aux choix des joueurs.
Du coup, les JV qui essayent de pousser dans cette direction prévoient des solutions scriptées en fonction de choix scriptés. Du coup, le joueur ne peut pas s'approprier l'action ou la décision, la considérer pleinement comme sienne. Et la conséquence sonne comme arbitraire, puisqu'elle est prévue avant que le choix soit effectué, elle ne prend ni en compte les intentions du joueur, et dans les jeux où le joueur peut lui même écrire les phrases qu'il veut, il ne peut pas prendre en compte les nuances de langage, (comme les logiciels de traduction) ni les détails des actions décrites. Ce n'est pas grand chose de plus qu'un livre dont vous êtes le héros sophistiqué en terme d'interaction.
Comme dans Prosopopée où la simple description d'une fleur anodine en début de partie peut devenir une des solutions à la fin de l'histoire. Je crois qu'on ne verra jamais ça en JV non plus. SI on le voit, c'est que c'était prévu depuis le début (ou du moins, une des solutions prévues depuis le début).
En guise d'exemple, un ami me racontait sa partie de Heavy Rain, où des types entrent dans la maison. Il se réfugie dans la cuisine et là, il voit un marqueur sur le meuble de la cuisine, il se dit : "je vais m'armer d'un couteau". Il clique et là, la voix lui dit "ce n'est pas le moment de me faire un café !".
C'est le genre de choses qui brisent mon immersion.
Bien sûr, difficile aujourd'hui de savoir si la technologie n'évoluera pas jusqu'à pouvoir illustrer les pensées ou les paroles des gens avec une marge d'erreur minime. Mais pour le JdR, ce qui m'intéresse, c'est de partager ces instants avec des personnes, mettre nos imaginations en ébullition, construire des images dans nos têtes, être surpris par l'idée de quelqu'un, voir un ensemble de narrations se combinent pour donner une histoire forte et cohérente (sans que personne ne dirige tout ça intentionnellement), se dévoiler les uns aux autres... Certaines choses sont plus fortes quand on se les imagine que quand on nous les montre, parce qu'on utilise cet espace pour mettre de nous dedans.
Et c'est pour ces raisons que je joue au jeu de rôle. L'idée d'une immersion totale dans un monde virtuel ne me séduit pas vraiment en fait.