par Morgane » 03 Mar 2014, 15:48
Cher ami,
Votre publication n'est peut-être pas tombée dans mes main par hasard non plus. Pardonnez l'approche cavalière de ma plume mais ce titre... ce titre ne pouvait qu'attiser ma curiosité. L'alchimie est un terrible appât pour mon esprit. Permettez que je me réjouisse de votre découverte, et du chemin que vous empruntez. Mes propres pas me poussent sur ce même versant.
La faute en revient à Sens Néant... et à Jabir ibn Hayyân. Est-ce à lui que vous pensiez au début de votre article ? On le qualifie, peut-être un peu vite, de père de la chimie. Vous le trouverez aussi sous le nom de Geber.
C'est amusant que vous partagiez vos recherches maintenant. Un ami m'a fait découvrir Gaston Bachelard, qui explore lui aussi la question de l'alchimie, mais d'un abord différent il me semble.
La question a beaucoup tourné dans mon esprit. Je crois que le problème est lié à la question du sacré. N'est-ce pas ce qu'on reproche à la science moderne ? D'avoir, d'une certaine façon, démystifié le monde ?
Je crois que l'homme a besoin de cette recherche spirituelle, fût-elle religieuse, parce qu'il ne cesse de chercher sa place dans le monde. Il ne cesse de s'interroger : Que suis-je ? Ou vais-je ? Que deviens-je ?
Cette dernière question est peut-être la plus précieuse que contienne l'alchimie. Comment se transformer ? La chrysopée, la panacée... tout ceci est un symbole. L'important n'est pas d'aboutir à la pierre philosophale, l'important c'est de devenir cette pierre. De transcender son propre état pour atteindre à un degré de connaissance et par là même... de proximité avec Dieu. L'alchimie garde un support religieux fondamental. La transcendance alchimique marche sur le même chemin que celle des soufie, si vous voulez. La recherche est avant tout une recherche de l'esprit par l'esprit. La purification des métaux est en réalité celle de l'âme.
Jabir ibn Hayyân va plus loin. Dans sa vision totalisante, l'alchimie passe aussi par le Verbe. C'est même la base absolue de son travail. Je ne veux pas m'étendre, ce serait dévier trop longuement mais c'est une question fascinante.
Pour en revenir à votre article, voici un peu ce que j'en pense.
La société moderne, scientifique, a répondu comme elle a pu aux questions existentielles : Que sommes-nous ? Des molécules, des atomes, des fibres et des oligo-éléments. C'est la vérité mais c'est une triste réponse, vous ne trouvez pas ? L'homme, dans son fort intérieur, a toujours souhaité un au delà, peut-être pour se donner un but. Il a besoin d'énigmes. Or voilà que ce but n'est pas à atteindre. On vit, on meurt, et voilà.
Mais je ne crois pas qu'on puisse priver la nature humaine de son mouvement spirituel. Alors la science est devenue, bien malgré elle peut-être, une nouvelle divinité. Pour ne donner qu'un exemple : Au Etats-Unis, le réchauffement climatique est une croyance. "Believe". Vous y croyez ou vous n'y croyez pas mais le sacré est entré de plein pied dans un sujet qu'on imaginerait pourtant très scientifique. Il est sur toutes les langues.
Je ne suis pas d'accord avec Berthelot lorsqu'il dit que le miracle a disparu et que rien ne peut plus arréter le rouleau-compresseur de la sience. (mais cela ressemble plus à un cri de désespoir qu'à une profession de foi) La nature humaine a trop besoin d'imaginer et de fantasmer pour accepter la seule vision donnée par la raison. Peut-être qu'à l'époque de l'auteur l'empreinte du positivisme est encore fraîche ? - Et entre nous, elle n'a pas fini de sécher-
J'en veux pour preuve que nous jouons, mon ami. Cela semble bien anodin et pourtant. Voilà que notre société est devenue une société ludique, et l'expression n'est pas de moi. Or qu'est ce que le jeu ? C'est se donner une quête, une mission, une exploration, toute remplie de symboles ! La société nous donne une place raisonnable et déterminée alors nous irons chercher à côté de son cadre.
Le joueur ne cesse jamais d'observer le monde, de s'observer jouant et de s'étudier.
"L'attitude ludique maintient une distance aux situations vécues qui exclut constamment un rapport au sacré qu'elle semble pourtant convoquer tout aussi constamment. C'est ce paradoxe qui irrigue les transformations contemporaines du social : nous vivons dans une société qui, à la fois, aspire à retrouver quelque grand système de significations compensant ceux dont la modernité l'a affranchie, et en même temps développe des attitudes et produit des œuvres valorisant le jeu, l'humour, la dérision, voire le cynisme, qui semblent devoir condamner toute tentative dans ce sens".
Patrick Schmoll, Relire Jacques Henriot à l'ère de la société ludique et des jeux vidéo, 2013
Ce passage ne cesse de m'évoquer la figure de Classis. Sens est peut-être une oeuvre alchimique ?
Bien à vous.
Site-supplément pour "Sur la route de Chrysopée"Le site de Rose des Vents pour y retrouver mes projetsTiens,
voilà du matos,
voilà du matos,
voilà du matos (pour Sens)
"Aucun fait n’existe, à vrai dire, comme vérité indiscutable et contenue, bornée ; ne serait-ce qu’à travers le filtre des sens, de la conscience, le réel se dérobe toujours, ultimement, à son constat. "